
Comment bien se mettre en selle : focus sur le montoir
Articles scientifiques
27/01/2022
Le monde évolue, les pratiques équestres aussi ! De plus en plus de passionnés se questionnent sur le rapport entre leur pratique de l’équitation et le bien-être animal et tant mieux ! Dans un premier temps, avant de pratiquer une discipline il faut dans tous les cas se mettre à cheval... Oui, mais de quelle manière ? Nous allons traiter la question du montoir, de son utilisation et de ses conséquences. Cette méthode pour monter à cheval est bien connue, cependant on constate qu'elle n’est pas forcément utilisée. Elle consiste à se placer à quelques dizaines de centimètres au-dessus du sol, pour se hisser plus facilement sur sa monture. Généralement, les montoirs sont en plastique ou en bois en forme d’escaliers. Si vous n’en avez pas, un plot ou un banc peut tout à fait convenir !
Outil pour les paresseux en manque de souplesse ? Utile uniquement quand on a un cheval très grand ? Réel bienfait pour le dos du cheval ? On vous dit tout à l’aide des mesures enregistrées par le tapis capteurs de pression !
Grâce aux données récoltées lors de tests nous allons pouvoir analyser l’impact des différentes techniques pour se mettre en selle.
Des données technologiques au service du bien-être
1) Mise en selle depuis le sol :
La première technique observée consiste à se mettre en selle depuis le sol. Pour cela le cavalier doit mettre un pied à l’étrier et se propulser avec l’autre jambe. Cela induit des pressions telles que celles observées ci-dessous :
On observe ici un pic de pression élevé des deux côtés de la selle. Il est dû au fait de s'appuyer sur l'étrier gauche pour monter, ce qui tire alors la matelassure droite de la selle vers la gauche et donc contre le garrot. Bien qu'il soit de courte durée, ce pic est non négligeable étant donné sa valeur élevée et sa répétitivité à chaque monte.
2) Mise en selle depuis le sol avec contrepoids du côté droit :
Nous allons tester la même technique que la précédente sauf que cette fois-ci nous ajoutons un facteur avec le contrepoids exercé du côté droit. Une personne maintient l’étrier droit pour éviter que la selle ne penche à gauche au moment du montoir.
On observe un pic de pression moins élevé par rapport à l’image précédente. Ce pic est toujours des deux côtés, mais il est légèrement réduit à droite g râce au maintien de l'étrier droit. Il reste encore une fois de courte durée mais le but est d’essayer de se mettre en selle en ayant le moins de p ressions possibles.
3) Mise en selle depuis un montoir
La dernière technique étudiée est celle du montoir. Nous avons utilisé un montoir classique en plastique de 50 cm. Nous allons voir les points de pressions induit par celle ci :
On observe un pic de pression beaucoup moins élevé. Les pressions sont désormais légèrement plus élevées à gauche, à l'inverse des deux précédentes techniques de mise en selle. L'écart entre les pressions droite/gauche est négligeable (environ 8%), en comparaison des deux autres méthodes (32% depuis le sol, 29% avec contrepoids). En termes de pressions exercées par le corps sur la selle et donc sur le cheval, cette méthode est donc à privilégier.
Le graphique ci-dessous illustre la comparaison des pressions obtenues lors des 3 différentes techniques de mise en selle analysées.
Des problèmes de dos
La plupart des chevaux cessent de grandir vers l’âge de 5 ans, mais la maturation complète de la colonne vertébrale peut prendre jusqu’à 8 ans**. L'anatomie de la colonne vertébrale du peut porter environ 20% du poids du cheval, mais elle n'apprécie pas d'être tirée depuis le côté lors de la mise en selle. Le garrot est constitué d'environ 8 vertèbres dorsales, prolongées vers le haut par les épines dorsales, qui peuvent mesurer jusqu'à 20 centimètres de haut. Chaque épine sert de bras de levier, ce qui accentue la pression sur la colonne sur le montoir. On peut donc imaginer qu’avec un bras de levier de 15 cm par exemple, le cheval subirait une forte torsion au niveau du garrot. Une torsion de ce type répétée régulièrement sur la colonne peut causer un mal de dos non négligeable. Les blessures peuvent être multiples, par exemple :
- Subluxation thoracique (mouvements du dos limités),
- Asymétrie des scapula (omoplates),
- Contractures des muscles thoraciques et paraspinaux (autour de la colonne).
Pour aller plus loin, lorsqu'on monte un cheval depuis le sol, souvent il va compenser et soulager son dos en contractant ses muscles et en écartant les pieds. A force, cette compensation peut se répercuter ailleurs sur le corps du cheval et réduire son bon fonctionnement.
Des dommages sur le matériel
Qui dit pressions sur le dos du cheval dit aussi pressions sur le matériel et plus précisément sur la selle. Monter depuis le sol endommage la solidité et la configuration de la selle. Par exemple, si vous avez une selle avec des matelassures en laine, celle-ci va se retrouver plaquée sur le garrot et la laine du panneau va être comprimée à cet endroit. On va à force avoir une dissymétrie des matelassures, ce qui est ni bon pour la pression sur le dos du cheval ni bon pour l’équilibre du cavalier dans sa posture. Les panneaux en mousse peuvent également se tasser suite à leur utilisation (selon la qualité et la densité de la mousse) et devenir dissymétriques. Ces dégâts, parfois visibles à l'œil peuvent également être constatés sur l’esthétisme du cuir ou du synthétique.
Pour ce qui est des étrivières, elles ont tendance à s'étirer, s'affaiblir, et se retrouver également dissymétriques. Un dommage irréversible serait de vriller l'arçon de la selle, c'est-à-dire d’avoir un arçon tordu (l’arçon étant le squelette de la selle). Les arçons sont conçus pour être relativement souple pour encaisser les mouvements, par contre, s'il se retrouve vrillé, la selle est inutilisable puisqu'elle ne répartira pas le poids de façon symétrique.
Verdict
Pour conclure, nous pouvons voir que des trois techniques, c'est celle du montoir qui induit le moins de pression sur le dos du cheval. Les pressions moyennes observées sont près de deux fois plus élevées lorsque le cavalier monte depuis le sol que lorsqu'il utilise un montoir. C'est donc pour cela qu'il est fortement conseillé d'adopter cette méthode pour se mettre à cheval.
Astuce : N’hésitez pas à vous entraîner à monter des deux côtés (avec un montoir toujours). En plus d’être bénéfique pour vos chevaux et votre matériel, ça améliorera votre souplesse des deux côtés !
** Source : Posture et Performance, Gillian Higgins et Stéphanie Martin, 2017